Description
Aucun artiste de ce temps n’aura interrogé la réalité avec autant d’insistance, de fureur et d’émerveillement qu’Albert Giacometti.
Seul, à contre-courant, il s’obstinait à faire poser le modèle dans le minuscule atelier poussiéreux où il travailla près de quarante ans.
Même à l’époque ou il parait s’écarter de sa recherche exclusive, il la poursuit encore. Il y a brûlé ses yeux et sa vie. Il y a consacré toutes ses forces jusqu’à leur épuisement, en un combat de chaque instant, comme si d’une découverte, qu’il jugeait en même temps dérisoire et impossible, dépendaient le sens de sa vie, et le destin de l’Art.
TABLE DES MATIÈRES
Textes pour une approche 7
La réalité impossible 79
Une écriture sans fin 91
Surgissement d’une présence séparée, toute œuvre de Giacometti se manifeste comme une totalité, ou plutôt comme le mouvement et l’exigence d’une totalité qui n’attend plus que notre acquiescement pour être accomplie, achevée, et remise en question.
Si elle nous introduit, elle nous dépossède du même coup de nos instruments d’analyse et d’investigation, de notre questionnaire et de nos références.
Elle décourage et ruine toute accession graduelle à sa connaissance.
D’emblée elle nous subjugue par une sorte de commotion silencieuse qui nous tient, mais à distance, sous l’emprise d’un regard d’une intensité presque insoutenable.
Si nous soutenons ce regard, si nous acceptons la fascination qu’il exerce, nous devenons le lieu d’une interrogation extrême qui n’obtient d’autre réponse que l’ouverture en nous du même espace interrogatif et fasciné.
Par ce mouvement de notre être, par cette adhésion inconditionnelle, nous donnons un sens, mais absolu, à la démarche du sculpteur, une issue, mais fictive, à son tourment, et un nouvel objet à sa soif de détruire.
Par ce mouvement, nous acceptons d’être changés en personnages de Giacometti, c’est-à-dire en figures de l’inachèvement pétrifié, et nous rouvrons pour lui l’espace qu’il referme sur nous. De cette œuvre, qui rend une telle transmutation non seulement nécessaire, mais possible, je ne puis parler qu’en étranger, tout au plus en complice qui se souvient mal, en victime bien décidée à entretenir le malentendu.
La parole, en effet, condamnée aux détours, tente désespérément de retrouver l’accès abrupt dont la nostalgie la ronge.
De susciter l’espace singulièrement actif de cette œuvre en la poursuivant de plusieurs côtés, comme on reconstitue illusoirement l’unité d’une sculpture en multi-pliant I. points d’observation.
Dans sa poursuite morcelée, elle passe dix fois par le même chemin tandis que certains lieux inexplicablement lui sont interdits.
Trop proche de son objet, il la pétrifie et la consume ; trop éloignée, elle se perd et se désagrège dans le dédale d’une attente sans commencement.
Embarrassée dans ses contradictions, ses lacunes, son ressassement, elle ne laisse que les traces emmêlées d’une approche, les fragments épars, les débris les moins signifiants, épargnés par I. flammes, d’un édifice imaginaire auquel il fallut renoncer.
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